Human Resource Machine

Human Resource Machine

J'ai beau créé des jeux vidéo depuis moult années, je ne sais pas programmer. Mais alors, pas du tout ! Je ne suis qu'un simple game designer, de formation littéraire, à qui on a surtout appris à rédiger des documents il y a 15 ans. Évidemment, je ne fais pas que ça, et on n'écrit pas les mêmes documents aujourd'hui qu'hier, mais bon...

Apprendre à programmer, c'est l'une des choses que je vais bientôt devoir faire si je veux pouvoir continuer à créer des jeux. Et si ce n'est pas "programmer", au moins devenir plus autonome sur le plan technique. Car en termes d'emploi, l'industrie du jeu vidéo ne vit pas ses heures les plus glorieuses : les investissements privés, comme les opportunités de contrats, se font de plus en plus rares. Rien ne dit que je serai financièrement capable de continuer à m'entourer de programmeurs après le développement de Looking For Fael, ni même que je retrouverai un poste en tant que salarié.

Programmation et marché de l'emploi : la transition est toute trouvée pour vous parler de Human Resource Machine, un jeu sorti en 2015 et développé par la petite équipe de Tomorrow Corporation.

Human Resource Machine - Bande annonce

Dans chaque niveau de Human Resource Machine, votre patron vous confie une tâche : prendre les données qui arrivent dans votre Inbox (boîte de réception) et les traiter avant de les envoyer dans votre Outbox (boîte d'envoi). Pour cela, vous allez devoir programmer votre petit employé modèle avec des commandes simples : ramasser, déposer, stocker, copier, comparer, etc. Si vous réussissez, vous serez promu et pourrez emprunter l'ascenseur pour monter dans les étages, direction le niveau suivant.

Si, comme moi, vous n'avez jamais vraiment programmé de votre vie, ne vous inquiétez pas : le jeu est à votre portée. Comme l'écrivent les développeurs sur leur site : "Programmer, c'est juste résoudre des énigmes. Si vous enlevez les 1, les 0 et les parenthèses effrayantes, la programmation est simple, logique, belle et accessible à tous !".

Amener les données de l'INBOX à l'OUTBOX : la base.

Je ne vous dis pas que tout se passera bien, ni que la résolution de chaque niveau sera fluide. Les premiers puzzles sont plutôt didactiques, mais la difficulté augmente ensuite rapidement. Si j'y arrive, et si même j'y ai pris goût, alors vous en êtes aussi capables.

Pour programmer votre personnage, donc, pas besoin de savoir écrire des lignes de code : vous glissez/déposez simplement de petites étiquettes sur le côté droit de l'écran. Ensuite, appuyez sur le bouton Lecture et voyez si votre code fonctionne comme vous le souhaitez. Si vous en ressentez le besoin, vous avez la possibilité d'accélérer le temps et/ou de jouer le code étape par étape. Pratique pour comprendre où ça coince quand ça coince.

La commande JUMP permet de faire boucler le programme, ou de créer des conditions.

3 onglets de rédaction sont disponibles pour vous permettre de tester différentes lignes de commandes sur un même puzzle. Ces onglets sont aussi bien utiles lorsque, après avoir résolu un niveau, le jeu vous propose ensuite d'optimiser sa solution : soit de réduire le nombre de commandes (défi de longueur), soit d'atteindre un nombre d'étapes maximum (défi de vitesse). Le jeu précise bien qu'il est parfois difficile, pour ne pas dire impossible, d'écrire un seul programme qui remplisse ces deux conditions. Comme je suis têtu (borné ?), j'essaie toujours de résoudre ces défis optionnels avant de passer au niveau suivant, mais vous n'y êtes vraiment pas obligé.

Pour continuer dans l'optionnel, la carte de sélection des niveaux comportent plusieurs embranchements : à droite les niveaux obligatoires, et à gauche les niveaux optionnels, beaucoup plus difficiles, qui vous demandent d'approfondir des notions précédemment apprises et de les maitriser parfaitement.

Pour réussir ce défi de longueur, il m'a fallu de longues minutes de réflexion, arrêter de jouer, prendre une douche, réfléchir encore, puis redémarrer le jeu.

De temps en temps, une petite scène cinématique humoristique vient également récompenser votre progression. Une occasion pour vous de faire une pause, et pour les développeurs de se moquer gentiment du monde de l'entreprise et du capitalisme en général. Ils ne se gênent pas non plus pour le faire à chaque début de niveau à travers les instructions données par les chefs de service. Tomorrow Corporation, les créateurs du jeu, poursuit ainsi l'exploration de ces thèmes déjà aperçus dans World of Goo et Little Inferno. C'est un peu leur marque de fabrique et c'est aussi pour ça que j'aime autant leurs jeux.

Suivre le chemin principal ou compléter les niveaux optionnels : à vous de choisir.

Human Resource Machine se joue aussi bien à la souris, sur PC, qu'au doigt, sur une tablette ou un téléphone. Sur mobile, il suffit de basculer l'écran, de la position paysage à portrait, pour voir la zone de rédaction de code s'agrandir, puis de revenir au mode paysage pour lancer son exécution. Ça fonctionne très bien : la taille réduite de l'écran n'est ainsi pas un problème. Sur Nintendo Switch, contrôles tactiles et motion control (façon wiimote) sont disponibles.

Que se passera-t-il lorsque vous atteindrez le dernier étage de cet immeuble de bureaux ? Deviendrez-vous PDG de la boite ? Serez-vous éjectés par la sécurité ? Ou bien découvrirez-vous que le grand patron n'est en réalité qu'un écureuil empaillé ? À vrai dire, je n'en sais rien, car je n'ai moi-même pas encore fini le jeu.

En revanche, je peux vous assurer que votre travail ne sera pas entièrement terminé puisque vous pourrez retrouver ces mêmes bureaux dans 7 Billion Humans, la suite de Human Resource Machine. Dans ce nouvel épisode, les robots prennent le pouvoir et le système de programmation est à la fois similaire (dans le principe) et différent (avec un langage de programmation basé sur des commandes IF et ELSE).

Traiter toutes ces données est forcément bénéfique pour le monde, et d'une importance capitale. On en est sûr ?

À défaut de savoir programmer, on peut, avec Human Resource Machine, avoir l'impression de savoir écrire du code, et entr'apercevoir le plaisir que ce doit être de créer des jeux en programmant soi-même.

En introduction, je vous parlais de l'état de l'industrie du jeu vidéo. À vrai dire, ça va "tellement bien" que je suis contraint, durant les 6 prochains mois, de faire un pas de côté et d'effectuer un travail saisonnier (qui n'a rien à voir avec le jeu vidéo) afin de pouvoir payer mon loyer. Cela fait un an que je m'y prépare, au moins psychologiquement. Loin de la subir, j'embrasse cette situation. Je me dis que ce sera l'occasion d'apprendre de nouvelles choses et peut-être aussi de "prendre des vacances". Des vacances travaillées.

Le soir, après ma journée de boulot, j'aurai plaisir à allumer mon ordinateur, dont je serai éloigné en journée, pour jouer à des jeux de réflexion et continuer de partager avec vous l'amour que je leur porte. Parmi eux, probablement d'autres jeux de programmation.

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Titre : Human Resource Machine
Développeur : Tomorrow Corporation
Disponible sur Steam, Android, iOS, Switch
Prix : 5 euros (Mobile), 15 euros (PC, Consoles)

🧩 Les Conseils de Ciboulot 🧩

Ciboulot, notre mascotte pièce de puzzle, est un expert (autoproclamé) de la conception de jeux. En toute humilité, il nous partage ses lumières.

Puisque William évoque le monde du travail, je me permets de poursuivre sur sa lancée en vous conseillant un autre jeu, beaucoup plus récent : Wanderstop. Oui, oui, je sais : ce n'est pas un jeu de réflexion, plutôt un jeu narratif qui se fait passer pour un jeu de gestion, mais c'est ma rubrique donc je fais ce que je veux !

Wanderstop et les jeux Tomorrow Corporation partagent des thèmes communs : la productivité, le sens du travail, la place de l'humain dans le capitalisme, etc. Jeu de réflexion ou pas, dans tous les cas ils font réfléchir. Le jeu vidéo est aussi fait pour ça.

Merci pour ta participation, Ciboulot, et merci à vous, chers lecteurs et lectrices, de nous avoir lu. On se retrouve très bientôt !